top of page
Rechercher

Sons & Silences indiens

Dernière mise à jour : 31 mars

"À l’aube, la ville chantait déjà. Les klaxons se répondaient comme des notes de sitar mal accordées, les roues grinçaient sur les pavés, et les corneilles piaillaient dans un concert insolent. L’air vibrait de cette musique du quotidien, où chaque bruit semblait à sa place, comme une vieille chanson apprise par cœur."

"Le Dieu des Petits Riens" - Arundhati Roy


Sonic India

Tous ceux qui sont allés en Inde en ont fait l’expérience : l’Inde est cacophonique, "soniquement éprouvante". Les rues sont chaotiques, le trafic infernal et la vie des gens qui y circulent semble se maintenir par l’opération d’un miracle permanent.

Et pourtant, une fois passée l’agression assénée par mille bruits, l’oreille parvient à capter une autre fréquence et à transformer le vacarme en une sorte de bruit blanc, et c’est le moment où, bizarrement, on est prêt à accueillir le silence.


Le silence, je l’ai trouvé ce mois-ci en Inde alors que je ne m'y attendais pas.


Débarquée à Tiruvannamalai (Tamil Nadu) après un passage par Goa, Auroville et Pondichéry, je découvre la ville qui se prépare à la Mahashivaratri, grande fête dédiée à Shiva* dans un grand tintamarre.



Le temple Annamalaiyar

Les rues entourant le temple Annamalaiyar sont barrées en prévision de la procession qui aura lieu la nuit du 26 Février où des milliers de dévots viendront faire leurs offrandes à Shiva, reçevoir les pujas et, se lanceront pieds nus, dans la marche autour de Arunachala, la colline sacrée qui surplombe la ville.

En attendant les rickshaws, les voitures et les scooters slaloment de partout en klaxonnant, l'Inde bat son plein. 


Sri Ramana Maharshi et les autres!


L'entrée de l'ashram de Sri Ramana
L'entrée de l'ashram de Sri Ramana

Après avoir déposé mes bagages dans ma guest house multicolore, je me dirige vers l'ashram de Sri Ramana Maharshi, l’un des plus grands sages de l’Inde traditionnelle, passage obligé dans la ville.

Pourquoi est il si révéré? Parce qu'il a atteint l’éveil spontané à l’âge de 16 ans, après une expérience de mort imminente qui l’a conduit à réaliser l’illusion de l’ego. Par la suite, il s’est retiré à Tiruvannamalai, au pied de la montagne sacrée d’Arunachala, où il a passé sa vie en méditation et en silence.

Je ne connais pas grand chose aux ashrams si ce n’est que ce sont des lieux où des disciples se retrouvent autour d’un Guru, qu’on doit s’y déchausser (comme partout en Inde) et qu’on doit porter une tenue correcte, plutôt couvrante. J’ai donc endossé une kurta- pantalon ample et confortable.

Sri Ramana Maharshi ( 1879-1950) n'est plus de ce monde, mais sa présence et son enseignement perdurent à travers le temps et l’espace via ses disciples et son culte.

Rien de révolutionnaire là dedans, on fait pareil avec Jésus depuis 2000 ans , non? A la différence près qu'en Inde, les Gurus sont nombreux et qu'on les vénère tous! L'idée d'un fil de transmission ininterrompue de maître à disciple est centrale dans la pensée indienne.

Voici une liste non exhaustive des gurus importants:


  • Swami Vivekananda (XIXe siècle) – Disciple de Ramakrishna, a popularisé le yoga et le Vedanta en Occident.

  • Sri Aurobindo (XIXe-XXe siècle) – Philosophe, yogi et penseur de l’évolution spirituelle.

  • Mahatma Gandhi (XXe siècle) – Figure politique et spirituelle prônant la non-violence.

  • Paramahansa Yogananda (1893-1952) – Auteur de Autobiographie d’un yogi, a introduit le Kriya Yoga en Occident.

  • Osho (Rajneesh) (1931-1990) – Penseur provocateur qui a choqué par ses idées alliant spiritualité et sexualité libre. (Le documentaire Wild Wild Country en dresse un portrait intéressant)

  • Sri Sri Ravi Shankar (né en 1956) – Fondateur de l’Art of Living.

  • Mata Amritanandamayi (Amma) (née en 1953) – Connue pour ses étreintes spirituelles.

  • Sadhguru (Jaggi Vasudev) (né en 1957) – Fondateur de l'Isha Foundation, influent sur la scène internationale, c'est une vraie rock star.

  • Neem Karoli Baba (mort en 1973) – Guru de Ram Dass et Steve Jobs.


Un lieu ouvert

Dans l'ashram de Sri Ramana, l'ambiance est plutôt relax, pas austère. Des gens discutent doucement sous les grands arbres de la cour, se baladent dans les jardins.

Plus loin un grand bâtiment abrite deux salles de méditation surveillées de l’extérieur par des gardiens qui tiennent des panneaux faits main indiquant: “no smartphone allowed, silence please”.  

Au plafond de la grande salle vaste, claire et silencieuse, tourne le plus grand ventilateur que j’ai vu de ma vie. 

On s'assoit à même le sol, tourné vers un grand autel dédié à Shiva et flanqué de reproductions de photos de Sri Ramana, le sage, dont le visage est empreint d’une grande douceur et dont les épaules tombantes et le dos voûté évoquent un renoncement tranquille, aux antipodes d’un maître Zen, par exemple. 


Sri Ramana Maharshi
Sri Ramana Maharshi

Les habitués ont leurs petits coussins voire même des coussins avec des dossiers. Pendant les premières minutes, mes yeux scrutent tout autour de moi, les tresses des femmes assises devant moi, la posture des hommes, les expressions des visages et surtout le cortège incessant des dévots qui tournent sans discontinuer autour de l’autel.


De l'hyper activité à la méditation intuitive

Avide, je tâche d’enregistrer un maximum d’informations en sachant que ma prothèse mémorielle, mon smartphone, dort en mode avion dans mon sac. Puis mes yeux et tout mon corps s’habituent à l’environnement, l’envie de tout consigner dans ma tête commence à s’émousser, mes épaules se détendent, les palmes du ventilateur caressent l'air immobile, je ferme les yeux et commence à entrer en moi. Les pensées fusent, rebondissent, entremêlées d'images. Puis les images palissent et disparaissent une fraction de seconde. Elles reviennent sans cesse comme un ressac, c'est inévitable. Je les regarde. Le silence se fait. Un silence indien, plein de bruits d'oiseaux, mais un silence tout de même, une forme de quiétude. 


Enseignement silencieux

Je ne sais pas combien de temps je suis restée assise, je ne sais pas si j'ai médité correctement, mais quand je suis sortie je me sentais bien. Je suis allée jusqu'à la librairie de l'ashram où l'on trouve l'ouvrage principal (et presque unique) de Sri Ramana :"Who am I?", "Qui suis-je?" traduit dans toutes les langues. Il s'agit d'un ouvrage qu'il a écrit alors qu'il gardait le silence depuis plusieurs années.

Cela peut paraitre bizarre de penser que des milliers de personnes se sont rendues et se rendent encore dans de nombreux ashrams pour reçevoir un enseignement complètement muet. A l'heure où avec les réseaux, tout le monde fait entendre sa voix, donne son avis, sa méthode, son opinion sur tout, de nombreux sages indiens répondent par le mutisme le plus total. Cela m'intrigue profondément.


Sur la page Wikipédia de Sri Ramana, on trouve la citation suivante:

« Le silence est éternelle éloquence. »

Cela résume bien l'attitude de Sri Ramana face aux mots et aux tentations intellectuelles.


La non dualité, opposé complémentaire du Cartésianisme?

Dans "Qui suis-je", il est question de non dualité, une notion centrale dans la pensée indienne qui, schématiquement affirme qu'il n’y a aucune séparation entre le soi individuel (Ātman) et la réalité ultime (Brahman). Le monde et l’ego ne sont que des illusions (Māyā). Il n’y a pas de je isolé qui pense : il n’y a que la conscience pure.


Qu'en aurait pensé Descartes, énonciateur de "je pense donc je suis?" , me dis-je tout en n'achetant pas le livre.

Le texte, comme tous les textes des sages est rédigé sous la forme d'aphorismes, à la manière des upanishads et me parait trop sec. J'y reviendrai peut être plus tard mais pour le moment j'ai envie d'expérimenter cette pensée qui infuse toute la ville par le corps, les sens et l'esprit, tant pis s'ils sont les points d'entrée de l'illusion. L'illusion de l'Inde avec ses couleurs et ses odeurs me plait trop pour ne pas y succomber.



Tea time en face de l'ashram
Tea time en face de l'ashram

En face de l'ashram, je bois un chai épicé et sucré entre les citadins, les ashramites et les dévots occidentaux (nombreux) venus chercher ici quelque chose que apparemment il ne trouvent pas chez eux. Et moi? Qu'est ce que je fais ici ? Qu'est ce que je cherche? Je ne sais pas... Ce n'est pas important.

Lors de mon séjour à Tiruvannamalai, je suis venue plusieurs fois m'assoir dans la grande salle. A chaque fois sans but précis. Jamais je ne me suis dit, "tiens je vais aller méditer 45 minutes", mais chaque fois j'ai laissé filer le temps dans cet endroit à part.




Se rendre à Tiruvannamalai:

Tiruvannamalai – திருவண்ணாமலை

  • District: Tiruvannamalai

  • Population: 145 278 habitants

  • Superficie: 13,64 km²

La ville de Tiruvannamalai est situé à 194km au sud-ouest de la Capitale du Tamil Nadu, Chennai et à 112 km de Pondichérry (2 heures de taxi)


Résider à l'ashram:

  • Les ashrams fonctionnent avec des règles strictes : lever matinal (souvent avant l’aube), méditation, prières, repas à heures fixes.

  • Il peut y avoir des restrictions sur l’usage du téléphone, d’internet.

  • La consommation de viande, d’alcool et de tabac est interdite.

  • On n’y va pas pour des vacances zen, mais pour une retraite spirituelle et/ou un service communautaire (karma yoga).

  • Il est souvent attendu des résidents qu’ils participent aux tâches quotidiennes (cuisine, ménage, jardinage…). C'est le karma yoga.

  • Les enseignements et pratiques : méditation, puja, études -conversations philosophiques, pas de yoga.

  • Les visiteurs qui souhaitent demeurer quelques jours au Sri Ramanasramam doivent écrire à stay@gururamana.org un mois à l’avance pour s’assurer de la disponibilité d’un logement.


Résider autour de l'ashram:

De nombreuses guest houses se situent dans le quartier de l'ashram et permettent de profiter de la ville et d'un bon café!

Mes recommandations:

The Inner Child (très bon restaurant/ café sur le toit, chambres agréables avec balcon)

Dwaraka Guesthouse chambres agréables avec balcon et équipées de cuisine

Jayam Residency (demander l'appartement sur le toit!)











Posts récents

Voir tout

Comments


bottom of page