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Cosmic trip dans le Matrimandir

Dernière mise à jour : 5 avr.

Lors de mon dernier jour à Auroville (ville/ communauté expérimentale fondée en 1968 à côté de Pondichéry), je décide d'aller voir le Matrimandir,  (littéralement: temple de la mère), le gigantesque globe doré que je longe en moto depuis des jours avec mon ami Angelo sans vraiment m'en être approchée malgré les signes et balises qui convergent tous vers lui. Pourquoi ne pas y aller alors qu'il incarne toutes les idées de deux esprits, ceux de Sri Aurobindo et de Mère, les fondateurs de la ville? Du supermarché à la salle de yoga, de la gargote à la boutique d'encens, je vois leur portrait tous les jours, il faut bien que je vois leur oeuvre d'un peu plus près , non?


De l'idée à la matière

Le personnage de Mère, née Mirra Alfassa m'intrigue particulièrement. Juive franco- égyptienne née dans une famille nantie et formée aux lettres et aux arts, elle vient en Inde avec son mari et fait la rencontre de Sri Aurobindo en 1914. Là, c'est le déclic (ou peut on dire le coup de foudre spirituel?), l'époux finit par repartir seul au pays tandis qu'elle reste en Inde pour accompagner le sage. Ensemble, ils développent une voie spirituelle, le yoga intégral, visant à transformer la conscience humaine et qui, contrairement à la tradition indienne qui valorise souvent le détachement du monde, insiste sur la nécessité de transformer la matière elle-même dans le monde matériel. C'est cet élan qui a mené à la formation d'Auroville.

Après la mort de Sri Aurobindo en 1950, Mère prend la tête de son ashram et conçoit le projet d'une cité expérimentale, laboratoire d'évolution humaine, sans religion, où les individus dépasseraient les frontières sociales, économiques et culturelles.

Situé en son centre, le Matrimandir sert de lieu de méditation et de connexion intérieure. Il incarne la quête spirituelle qui sous-tend l’expérience d’Auroville.


Portraits de Mère et Sri Aurobindo à l'entrée du supermarché "Hers". Auroville.
Portraits de Mère et Sri Aurobindo à l'entrée du supermarché "Hers". Auroville.

Un exemple de minimalisme en Inde?

Si l'on devait faire une comparaison entre l'expression de la voie de Sri Aurobindo & Mère et celle des sages indiens de la non-dualité toujours empreints de traditions hinduistes où l'unique flirte avec une myriade de dieux et de divinités, on pourrait dire qu'elle évoque une sorte de "protestantisme" tandis que la tradition indienne serait plus "baroque".


Les bâtiments modernistes éparpillés dans la forêt qui compose Auroville reflètent cette sobriété: minimalisme des formes, pureté des lignes, agencement subtil du vide et du plein. Malgré une relative austérité formelle, Auroville est ponctuée d'autels et de portraits de Aurobindo et de Mère, car c'est l'Inde après tout, le pays de la dévotion!


Quant au Matrimandir, c'est un véritable ovni doré déposé au centre de jardins dessinés en spirale, l'oeil du cyclone, irradiant, immobile.


Les jardins autour du Matrimandir rappèlent les différents états de conscience.
Les jardins autour du Matrimandir rappèlent les différents états de conscience.


Das protocol

Le simple visiteur n'y rentre pas comme chez Sri Ramana, il faut s'inscrire auprès du Visitor's center. Au début de mon séjour j'avais rechigné à le faire, le système me rappelait trop le booking au musée tel qu'on le pratique chez nous. J'avais envie de quelque chose de plus fluide. Et puis je me suis dit que c'était trop bête de ne pas y aller et j'ai bien fait.


Certains lieux s'approchent au prix de quelques contraintes comme le Chichu Museum sur l'île de Naoshima conçu par Tadao Ando par exemple: Avant de s'y rendre il faut s'inscrire et réserver un créneau ce qui peut agacer ceux qui aiment l'improvisation. Les entrées sont limitées à 10 personnes (je crois) par créneau. A l'arrivée on se déchausse, le téléphone est interdit. Autant de consignes qui sont rappelées (un peu froidement) au visiteur.


ChiChu Art Museum, Monet Room©ThisIsPaper
ChiChu Art Museum, Monet Room©ThisIsPaper

Mais lorsque vous vous trouvez dans un écrin presque transparent, que l'architecture se dissout littéralement dans l'espace et que vous vous trouvez devant des Nymphéas de Monet sans populace, sans selfie stick, sans nuisance, que vous pouvez rentrer véritablement en dialogue avec l'oeuvre, je peux vous dire que vous vous dites que les contraintes valent le coup d'exister.


Quant au Matrimandir, il ne s'agit PAS d'un site touristique, on ne le visite pas, on l'expérimente. La mère disait qu'il était là

(...) pour "ceux qui veulent apprendre à se concentrer... Pas de méditation fixe, rien de tout cela, mais ils devraient rester là en silence, en silence et en concentration. C'est un endroit où trouver sa conscience."

Voilà l'idée. Dans ce contexte, il n'y a rien à Instagrammer, rien à "hastager" ni même à partager, ce lieu, aussi spectaculaire qu'il soit est là pour tous, mais individuellement. Il est un support pour rentrer en soi.


Ainsi, dès l'accueil, on invite les visiteurs à visionner une vidéo sur la genèse du lieu, les idées qu'il incarne et aussi le miracle de cette réalisation faite à la main, sans machine, un peu comme une cathédrale du XIIe siècle, mais au début des années 70.


Une fois visionné le film, des volontaires aurovilliens guident les visiteurs vers l'entrée des jardins où ils doivent consigner sac et téléphone portable ainsi que tout ce qui pourrait gêner le silence lorsqu'ils pénétreront dans la chambre supérieure dédiée à la méditation. Les indiennes sont invitées à retirer leurs bracelets, de poignets et de pieds!

Dès les abords du Matrimandir le silence est requis, c'est même la règle absolue.


Les règles à respecter dans la chambre de méditation
Les règles à respecter dans la chambre de méditation

Puis on traverse les jardins et l'on est mené jusqu'à un énorme Banyan tree qui est là depuis toujours et que Roger Anger l'architecte du globe mandaté par Mère,  avait identifié comme l'épicentre de la cité.

Le banyan est un arbre incroyable, il se diffuse de toute part. Lorsque ses racines atteignent le sol, elles forment alors comme un tronc d'arbre, ce qui fait qu'il ressemble plus à une forêt ou à un monument à lui tout seul qu'à un arbre solitaire.

On peut le toucher, l'embrasser, méditer.


Un lieu ... hors norme!

Ensuite les guides nous mènent (sans un mot, juste par des gestes) jusqu'au niveau inférieur de la sphère. On emprunte des travées en pente douce qui convergent autour d'une fontaine magnifique sculptée en pétales de marbre blanc, autre espace de méditation. L'expérience est magnifique car on se sent à la fois "enceint.e" entre les grandes structures rouge ocre et protégé.e par les cercles dorés au dessus de nos têtes. L'eau glisse à l'infini sur les pétales blancs et la brise extérieure est caressante. Je crois que c'est l'endroit où j'ai préféré m'asseoir, où j'ai joui le plus de cette impression d'intérieur/ extérieur parfaitement combinée.


La fontaine du lotus sous le Matrimandir©Auroville.org
La fontaine du lotus sous le Matrimandir©Auroville.org

Ensuite on pénètre dans le globe et c'est dur de ne pas frétiller tellement on a l'impression d'être dans un vaisseau spatial en partance pour la galaxie!


L'intérieur est digne d'un 2001 l'Odysée de l'espace, il est vrai. Le film date de 1968, le début de la construction du Matrimandir en 1972, je m'autorise à penser une légère porosité entre les deux univers.


Niveau intermédiaire du Matrimandir ©Auroville.org
Niveau intermédiaire du Matrimandir ©Auroville.org

L'espace est magnifique. On est au centre d'une boule remplie de la lumière atténuée du soleil brûlant de l'extérieur.

Les pieds chaussés de chaussettes blanches fournies sur place on chemine , les uns derrière les autres comme dans une procession, sur une passerelle qui part de la base du globe et monte en spirale vers une plateforme circulaire intermédiaire avec en son centre d'une sculpture plane qui représente une fleur et ses pétales, symbole d'Auroville, de la conscience divine et des pouvoirs de Mère.

On peut en faire le tour, comme autour d'un autel dans un temple, puis processionner sur une autre passerelle ascendante qui mène à la salle supérieure.


La salle de méditation... que dire?

La salle de méditation ou plutôt de concentration au niveau supérieur ©Auroville.org
La salle de méditation ou plutôt de concentration au niveau supérieur ©Auroville.org

La salle de médiation est immaculée, cristalline, pure, blanche, aérienne, éthérée, transparente, lactescente, je peine à trouver les mots pour décrire cet espace.


Mais pour tout vous dire j'ai trouvé que le silence y était trop pur, presque cassant. Le moindre mouvement du corps dans l'espace parvient à le briser et j'ai trouvé plus difficile de méditer dans cette salle, peut être trop parfaite finalement, que dans les salles des ashrams ouvertes aux 4 vents.


Néanmoins c'est une expérience hors du commun. Etre là, ici, dans un espace qui a été pensé comme un sas pour élever la conscience!


Les cathédrales gothiques, quand elles ne sont pas blindées de touristes peuvent aussi provoquer cet effet, mais le minimalisme assumé de cette pièce crée quelque chose de vraiment particulier.

Est-ce l'âge qui fait ça? Je crois que je commence à apprécier le vide...


Après la visite, mon ami Angelo est venu me chercher en moto.

Nous avons roulé sur les pistes de terre dans le bruit du moteur.

Mais le Matrimandir avait déjà crée un petit canal en moi, un endroit de silence que je réactiverai quand j'en aurai besoin.


Liens utiles:

Le site officiel d'Auroville: https://auroville.org/

Auroville est à 10km de Pondichérry, accessible en bus, taxi, rickshaw.

Pour y résider, prévoyez le coup à l'avance, les guesthouses sont vite pleines. J'ai séjourné à Sharnga guest house pendant une semaine. 1O00 rupees la nuit (environ 11 euros), très économique donc.

Pour le Yoga : Vérité

Pour apprendre ou reçevoir des soins thérapeutiques (watsu, massages etc..): Quiet Healing Center le lieu est super et en bord de mer.



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